Les investissements dans le secteur de l’AgTech par Didier Rousseau
Rencontres, entrepreneuriat, agilité et résilience… être un investisseur dans l’AgTech ça se passe comment ? Didier Rousseau, président du groupe d’investissement FAMM était au micro de FuturAgri pour nous parler des temps forts de son métier.
Le monde des startups : voyons au-delà de l’image véhiculée
Est-ce que l’on est considéré comme une start-up si la moyenne d’âge de la boîte n’excède pas 30 ans et qu’un baby-foot trône dans l’open space ? Est-ce uniquement une question de chiffre d’affaires, de résultat net, de nombre de salariés, d’âge… ?
À La Ferme Digitale, nous avons la chance de travailler main dans la main avec des start-up à des niveaux de maturité différents. Notre définition de ce que doit être une start-up ne se trouve pas dans le dictionnaire, elle ne coche pas de simples cases… elle suit les tendances !
- Premièrement, une start-up intègre entièrement la notion d’agilité dans son organisation et ses process quotidiens. Car elle est encore “nouvelle” sur le marché et propose un produit/service innovant, elle doit savoir s’adapter efficacement et rapidement aux différentes évolutions intrinsèques et extrinsèques.
- Deuxièmement, son développement s’affiche de manière exponentielle. Sa croissance suit une courbe ascendante, aussi bien en termes économiques que sociaux.
- Troisièmement, le business model est évolutif, répétitif ou non mais propose une nouvelle proposition de valeur. Puisque la start-up apporte une innovation sur le(s) marché(s), elle doit éprouver son modèle économique.
Que l’on ait 3 ou 300 salariés, que l’on ait un résultat net de plusieurs millions, la rentabilité n’est pas assurée ! Une start-up est en constante évolution et ne deviendra une entreprise mature que lorsque son modèle économique sera efficient et viable sur le long terme. Pour se lancer, et tout au long de sa croissance, la start-up a besoin d’un accompagnement financier. Celui-ci peut prendre diverses formes.
Le rôle clé des investisseurs
Pour la majorité des personnes, investisseur est synonyme d’argent. Pour cause, leurs fonctions principales est d’aider les entreprises à se développer en injectant de l’argent pour les faire croître.
Pour Didier Rousseau, fondateur de FAMM, l’accélérateur de start-up et scale-ups, « serial entrepreneur » et spécialiste de la croissance verte, lorsque le moment est venu pour lui d’investir, une autre variable entre dans l’équation.
« Je n’investis pas dans des opérations où je n‘ai pas une valeur ajoutée autre que financière »
Parmi ces valeurs ajoutées, on peut compter un savoir-faire métier, un développement de projet ou encore une vision à long terme. Loin de l’aspect purement financier, il délivre son expertise et accompagne les start-up dans différents moments de leur croissance.
Les critères d’accompagnement
Après avoir étudié les différentes demandes, Didier part à la rencontre des entrepreneurs pour discuter de la mise en place de leur projet. Pour qu’il décide d’accompagner une start-up, il faut que le projet intègre une vision du marché actuel et futur.
« Mon boulot c’est de trouver l’entrepreneur qui a cette vision, qui y croit et qui a aussi une capacité d’écoute pour faire une croissance résiliente de son entreprise ».
Et c’est là toute la difficulté. Même si l’idée est bonne, il faut ensuite la développer et la faire croître pour devenir un acteur de référence sur le marché.
Leurs rôles dans l’entreprise
Pariant beaucoup sur la vision et les compétences d’une personne, Didier investit financièrement mais aussi de son temps, en dispensant son savoir-faire pour accompagner les start-up selon la périodicité des événements. S’il peut encore apporter une valeur ajoutée de vision ou de mise en œuvre, il ne part pas de l’entreprise.
En plus d’intervenir lors des levées de fonds, il endosse un rôle de mentor auprès des dirigeants pour les aiguiller, intervient pour des problèmes de finance pure mais donne aussi son avis lors des recrutements. Ce sont « beaucoup d’échanges formels et informels ».
La croissance, un élément indispensable
« Une entreprise n’a de sens que si elle croît »
Le passage de la start-up à la scale-up
La croissance est primordiale pour une start-up, mais une croissance ‘for good’ est la clé. Pour Didier, for good signifie avoir une approche résiliente. Cela passe par des labels RSE reconnus, d’une stratégie circuit court, de l’organisation interne et du management.
Fini la débrouillardise des débuts, maintenant que l’entreprise fil droit, pour doubler ou tripler le chiffre d’affaires et passer au palier supérieur, il faut se structurer et piloter correctement ses KPI’s (Indicateur clé de performance).
La difficulté ? Le passage des étapes, car loin d’être linéaire, la croissance ressemble plus à des escaliers :
« À un moment donné, on doit investir dans des choses particulières qui vont permettre de passer la croissance comme de plus grands locaux, le digital ou les outils de système d’information ».
La croissance verte
Plutôt que de sectoriser les start-up de son portefeuille comme faisant partie de l’AgTech (agriculture technologique), Didier parle de la croissance verte comme un ensemble cohérent avec des interrelations et un ancrage territorial important.
Selon lui, toutes les problématiques rencontrées par les acteurs qui ont un lien avec « la terre » sont liées, et leurs solutions, bien que différentes, font partie d’une même dynamique.
« Les choses ne sont pas aussi verticales, il n’y a pas que l’agriculture, le tourisme, la ville. C’est un écosystème complet qui fonctionne ensemble ».
Le secteur de l’AgTech en France
Malheureusement, en France, les investissements sont encore timides. Quand nos homologues allemands effectuent des levées au-delà de 100 millions d’euros, nous avons du mal à rassembler de telles sommes.
Les spécificités du secteur
Dans ce marché mondialisé, la principale préoccupation des agriculteurs est comment remédier à l’imprévisibilité et la volatilité de leurs revenus. Pour ça, ils créent une vision à long terme de leur exploitation, gèrent mieux leurs revenus et diversifient leurs activités : méthanisation, voltaïque, foncier, nouveaux modes de cultures, nouvelles productions… C’est un véritable bouleversement de la demande et de l’environnement.
Les innovations agricoles sont là pour répondre à ces changements et aux nouvelles habitudes des consommateurs. Le rôle des investisseurs comme Didier est de trouver des start-up qui amènent une technologie répondant à une problématique marché-métier et ainsi créer de la valeur :
- Le dérèglement climatique impose aux agriculteurs d’adapter leurs pratiques, des start-up comme Weenat et itk ont déjà développé des innovations pour lutter contre ces changements.
- Le besoin des consommateurs pour la transparence des produits n’a fait qu’augmenter ces dernières années. Pour apporter de la valeur ajoutée aux agriculteurs, des start-up comme Connecting Food ou Crystalchain utilisent la technologie Blockchain pour tracer les aliments, de la plantation à la commercialisation.
- Pour répondre aux enjeux climatiques, de rémunération et de transparence, une autre tendance privilégiée par les consommateurs est celle des circuits-courts. Plus juste, éthique et écologique, de nombreuses start-up se sont lancées sur ce marché à fort potentiel. Promus développe une plateforme pour accompagner les professionnels de la restauration à s’approvisionner chez les producteurs alentours. A2PASD’ICI implante au cœur de la grande distribution une place de marché où producteurs locaux peuvent promouvoir et proposer leurs produits en vente directe.
L’après COVID
Malgré le fait que ce soit un marché porteur, la crise du Covid a contraint certains entrepreneurs à revoir leurs activités.
« Je pense que nous allons être dans un système de consolidation. Nos boîtes dans le monde de la croissance verte ne sont pas européennes, elles sont globalement franco-françaises. Il faut qu’on atteigne des tailles supérieures, que certaines d’entre elles se croisent au niveau de leurs offres pour délivrer une nouvelle valeur. Mais dans tous les cas, nos tailles sont insuffisantes. »
En plein cœur du « quoi qu’il en coûte », il faut que la nouvelle dynamique insufflée par les start-up pendant la crise continue, se pérennise, et que l’ensemble des acteurs travaille main dans la main pour faire de la France le berceau mondial de l’AgTech.
En savoir plus sur les investissements dans le secteur de la FoodTech en France et en Europe : https://www.digitalfoodlab.com/
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